Les infirmières et les TMS au sein du bloc opératoire

Nous en sommes conscients aujourd’hui : la prévention des TMS est indispensable pour le bien-être des salarié(e)s. Les TMS résultent d’un déséquilibre entre les capacités physiques du corps et les sollicitations et contraintes auxquelles il est exposé.

Dans cet article, nous nous pencherons sur les IBODE (“Infirmier(e) de Bloc Opératoire Diplômé(e) d’Etat”). Un(e) IBODE est en charge d’organiser, réaliser des soins et des activités en lien avec le geste opératoire, en pré, per et post interventionnel auprès des personnes bénéficiant d’interventions chirurgicales, endoscopiques et autres actes techniques invasifs à visée diagnostique et/ou thérapeutique. L’IBODE doit également mettre en œuvre des mesures d’hygiène et de sécurité en tenant compte des risques inhérents à la nature des interventions et à la spécificité des patients, au travail en zone protégée et à l’utilisation de dispositifs médicaux spécifiques.

Nous sommes partis à la rencontre de Aline, 35 ans, diplômée infirmière en 2011 ayant travaillée en tant qu’infirmière au bloc opératoire. Aujourd’hui, Aline est en étude IBODE afin de devenir infirmière de bloc opératoire.

Nous avons souhaité la rencontrer afin de comprendre plus en profondeur les contraintes de ce métier, la réalité du terrain ainsi que les risques physiques de TMS associés. 

Témoignage spéciale :  Rencontre avec une infirmière au bloc opératoire

Quel est votre parcours professionnel ?

 

J’ai été diplômée en 2011 en tant qu’infirmière à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. J’ai ensuite travaillé pendant un an et demi au service de médecine interne – le service après celui des Urgences. Après ça, j’ai changé de département et j’ai postulé à une offre en tant qu’infirmière au bloc opératoire qui ne nécessitait pas d’expérience. J’ai travaillé 10 ans dans un bloc opératoire avant de commencer mes études en tant que IBODE que je terminerai en juin 2024.”

 

NB : Nous faisons la différence entre “Infirmier(e) au bloc opératoire” (non diplômé(e) IBODE) et “Infirmier(e) de bloc opératoire” (diplômé(e) IBODE)

La notion de TMS est-elle abordée dans le milieu hospitalier en interne et comment ?  

 

“Dans la formation initiale d’infirmière, oui. Nous avons eu des informations sur des bonnes pratiques. Par exemple, comment déplacer un patient sur un transfert lit vers fauteuil en étant vigilant pour son patient mais également pour nous-même, en tant que professionnel. 

Il y a des choses qui sont évoquées en termes de TMS mais sur le plan formatif, j’ai eu une initiation très générale. Ce n’est pas spécifique à l’environnement dans lequel vous évoluez.

Par exemple, lors d’une intervention en bloc opératoire, nous devons manipuler le patient selon le besoin (pour le tourner par exemple) et nous n’avons pas de formation à ce niveau là. Nous nous entraidons et nous essayons de faire attention les uns aux autres. La formation IBODE ne propose pas non plus ce genre d’initiation aux risques physiques TMS. 

Nous utilisons nos connaissances en tant qu’infirmier(e)s pour prévenir au mieux nos risques potentiels.” 

Quels sont les principaux facteurs de risque de TMS pour les infirmier(e)s de bloc opératoire et comment peuvent-ils/elles les prévenir ? 

 

“Malheureusement notre environnement de travail est contraignant. Par exemple, au bloc opératoire, j’avais beaucoup de contractures musculaires au niveau des épaules au début, car il fait très froid au bloc opératoire.

Pour des questions d’hygiène, notre tenue se composed’une blouse à manches courtes et d’un pantalon (ainsi qu’une charlotte pour les cheveux, une cagoule et un masque). Il y a également des flux d’air dans les salles d’opération en accord avec les règles d’hygiène, et une température aux alentours de 18° (parfois moins selon l’intervention). Nous sommes souvent statiques lors des interventions, ce qui accroît les risques physiques de TMS.  Nous avons donc beaucoup de variations de température selon les changements de salle. 

Il y a également la potentielle déshydratation car nous ne trouvons pas forcément le temps pour nous ; nous sommes concentrés sur nos patients. 

En plus de ça, nous avons des contraintes physiques avec les transferts de patients ; les patients dans les blocs opératoires sont endormis et donc, non-autonomes. La surcharge pondérale d’un patient peut également rajouter de la difficulté lors de la manipulation de ceux-ci.
Nous avons la chance d’être nombreux là où j’exerce, ce qui facilite grandement le travail de manipulation, par exemple. Mais ce n’est pas le cas partout. 

Il y a également le port de charge du matériel qui est très souvent lourd.” 

Avez-vous été sensibilisé au sein de votre équipe, aux risques TMS ? Que pensez-vous des dispositifs mis en place (de manière générale) pour lutter contre les TMS ? 

 

“En ce qui nous concerne, nous avons des fiches d’échauffement dans les vestiaires, par exemple. Malheureusement nous n’avons pas forcément le temps de les pratiquer. 

En ce qui concerne le froid dans les blocs opératoires, nous avons des vestes à disposition mais elles restent assez gênantes pour effectuer nos mouvements. Peut-être que quelque chose serait à mettre en place à ce niveau là. 

Il y aurait un travail à faire en termes de sensibilisation des encadrants. Il serait intéressant de mettre en place un dispositif d’information et de sensibilisation chez nos “chefs d’équipe” pour que, à leur tour, ils puissent nous former et nous sensibiliser. 

Il serait également intéressant de faire des rappels lors des réunions d’équipe pour faire passer des messages importants. En ce qui concerne les informations papier, malheureusement il y a beaucoup d’affichage et nous ne faisons même plus attention.” 

Au fil des années, avez-vous remarqué que les TMS sont devenus un sujet plus présent ? 

 

“Pas vraiment, non. On en parle entre nous selon les personnes qui sont déjà sensibilisées – notamment des collègues qui ont pu être confrontés à des accidents de travail.
La plus grosse contrainte dans un bloc opératoire, c’est le froid.

Il est tout de même important de souligner que les TMS sont multifactoriels. Ils peuvent être liés aux risques physiques mais également à l’hydratation ou encore à l’aspect nutritionnel. Dans notre rythme de travail, nous ne mangeons pas forcément de manière régulière, pareil pour l’hydratation.” 

Pouvez-vous partager des exemples concrets de cas de TMS chez les infirmier(e)s de bloc opératoire que vous avez rencontré(e)s dans votre pratique, ainsi que les leçons apprises et les mesures prises pour y remédier ?

 

Oui. J’ai eu un arrêt de travail de 3 semaines pour des douleurs à l’épaule. Je préparais du matériel pour l’intervention chirurgicale du lendemain, et la charge était lourde  avec un mouvement de côté ; normalement elle ne doit pas excéder 10 kg mais, dans ce cas de figure, la charge était supérieure à 15 kg. D’un coup j’ai eu une douleur dans l’épaule lors de la rotation et il s’avère que c’était une grosse contracture musculaire liée à cet événement. 

Suite à cet épisode, des choses ont été faites pour remédier à la charge du matériel.

Conclusion

Tout d’abord, nous souhaitons remercier Aline pour le temps qu’elle a consacré à répondre à nos questions et à partager son expérience.
Au cours de notre échange, nous avons pu remarquer que le manque de sensibilisation des équipes pouvait jouer un rôle important dans les risques TMS quels qu’ils soient. En ce qui concerne les risques physiques de TMS, ils sont en corrélation avec l’environnement de travail : le froid, les positions statiques, les charges lourdes, les changements de températures ainsi que les manipulations physiques des patients. 

Certaines structures manquent de moyens pour optimiser la mise en place d’actions en lien avec la prévention des risques TMS – notamment physiques. Des formations de sensibilisation des équipes peuvent être envisagées, dans un premier temps, afin de pallier ces risques dans le milieu hospitalier – et plus particulièrement, au bloc opératoire.

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