Les TMS dans le secteur de l’hôtellerie / Restauration

Dans le secteur de la restauration, le rythme effréné, les longues heures debout et les gestes répétitifs font partie du quotidien. Derrière chaque plat servi, chaque service assuré, les professionnels de la cuisine et de la salle sont soumis à des contraintes physiques importantes, parfois invisibles, mais bien réelles. Les TMS sont ainsi une problématique majeure, pouvant impacter la santé des travailleurs et la performance des établissements.

Dans cet article, nous nous pencherons sur les TMS dans le secteur de l’hôtellerie / restauration (HORECA).

Aujourd’hui, nous donnons la parole à Valérie, restauratrice passionnée depuis 25 ans, qui partage avec nous son expérience face aux défis physiques de son métier. 

À travers son témoignage, elle nous éclaire sur les risques auxquels elle est confrontée, les solutions qu’elle met en place et l’importance de la prévention pour préserver son bien-être et celui de son équipe.

Témoignage spécial – Rencontre avec une restauratrice depuis 25 ans

Présentez-vous et parlez-nous de votre parcours professionnel : 

“Je m’appelle Valérie, je suis dans la restauration depuis 28 ans. D’abord au service en salle puis progressivement – pour les besoins de l’établissement – en cuisine. Je gère les préparations en cuisine, les desserts, le service, le dressage des plats. Je suis également chargée de la comptabilité, de l’administration et plus globalement, de la gestion de l’entreprise. Cela fait maintenant 28 ans que je suis gérante de notre restaurant avec mon mari. ”

Quelles sont les principales contraintes physiques dans votre métier ? Et avez-vous déjà ressenti des douleurs ou des gênes liées à votre activité ? 

“Les principales contraintes physiques dans la restauration sont la station debout pendant plusieurs heures – notamment sur certains postes de travail tel que le bar ou la plonge – la manutention de charge lourde avec le port des marchandises et des matières premières. Les nuisances sonores font également partie de notre quotidien : hottes en cuisine, machines (eplucheuse, plonge, etc) mais également le brouhaha de la salle lors d’un gros service.

Ces contraintes physiques engendrent des douleurs dans les mains à cause des gestes répétitifs : comme par exemple lors de l’épluchage / coupage de légumes, l’essuyage des verres au bar. Le port de charges lourdes est également omniprésent avec par exemple le lave verre à sortir et remettre plusieurs fois par service. Après il y a également le mal de dos avec la station debout et les douleurs aux niveau des jambes (tendinites chroniques).”

Selon vous, la notion de TMS est-elle abordée dans le milieu de la restauration en interne et comment ? 

“Oui, notamment par la médecine du travail. Elle passe au restaurant à notre demande (en tant qu’employeur) ou quand un salarié nécessite une adaptation de poste suite à des problèmes physiques ou de TMS. La médecine du travail est également chargée de nous conseiller sur des potentiels aménagements des postes de travail. Les TMS sont en effet un sujet dont on entend de plus en plus parler”.

Avez-vous mis en place des mesures pour limiter les risques physiques (TMS, fatigue, stress) ? Utilisez-vous du matériel spécifique pour réduire l’effort physique ?

“Oui, sur certains postes de travail, nous avons des tabourets réglables à la hauteur du plan de travail – cela permet d’éviter les douleurs au niveau des cervicales car, sur certains postes de travail, la tête est penchée vers le bas, vers le plan de travail. Il faut savoir que nous sommes un restaurant qui nécessite de grand volume de préparation, ce qui n’est pa sle cas de tous les établissements. 
Un cuisiniste est également venu remodeler la cuisine afin de faciliter le travail des salariés : plan de travail à hauteur, centralisation des produits pour éviter les déplacements, sol anti-dérapant, matériel de qualité, etc. 

A notre initiative (de l’employeur), nous avons également opté pour des changements de machines sophistiquées : éplucheuse à légumes, VarioCook (appareil de cuisson multifonction qui se lève/baisse mécaniquement), plonge avec panier sur des rails, tuyau à eau, etc. Ces équipements permettent d’éviter certaines tâches qui sont pénibles comme le remplissage de l’eau à la main (les machines sont directement reliées à une arrivée d’eau, ce qui évite la manutention de seaux d’eau entre l’évier et la machine), le réglage de ces machines à hauteur d’Homme, etc.

Ces machines ont bien évidemment un coût, il faut compter à peu près 6 000€ à 8000€ pour l’éplucheuse et pour le VarioCook, environ 20 000€. 

Nous essayons également de faire travailler notre équipe en binôme afin de réduire la pénibilité de certains postes. Nos équipes n’ont pas vraiment de poste de travail défini, nous sommes une petite structure (avec environ 10 salariés), nous pouvons alterner certaines tâches afin de limiter la récurrence des mouvements.”

Quels sont les principaux facteurs de risque de TMS pour les employés en hôtellerie/Restauration et comment peuvent-ils/elles les prévenir ?

“A mon sens, comme évoqué précédemment, les principaux facteurs de risques de TMS sont les gestes répétitifs, les chutes, le port de charges lourdes, la station debout. Le fait que le secteur de l’hôtellerie/restauration impose un rythme rapide peut également jouer sur la concentration et donc, augmenter le risque pour le salarié.
Il est nécessaire, dans la mesure du possible (notamment financièrement) d’adapter les postes de travail au mieux pour les salariés. Cela peut être l’acquisition de machines (en cuisine ou en salle), les tapis anti fatigue, les sols anti-dérapant, les chaussures de sécurité, etc.”

Quels postes de travail au sein de ces structures sont les plus contraignants en termes de TMS ? Quelles sont les postures (ou mouvements) les plus contraignantes ?

“Dans notre établissement, les postes de travail les plus contraignants sont la plonge, la manutention, le port de charges lourdes et la préparation des plats.
Ces postes de travail demandent de la concentration mais également de la rapidité, particulièrement durant un service. Les mains, le dos et les jambes sont particulièrement sollicités.”

Avez-vous été sensibilisé aux risques TMS au sein de votre équipe ? Que pensez-vous des dispositifs mis en place (de manière générale) pour lutter contre les TMS ? 

“A la demande de l’employeur ou du salarié, si celui-ci nécessite un aménagement de poste en lien avec un arrêt maladie), nous faisons appel à la médecine du travail. Nous ne faisions pas de formation de prévention à proprement parler. Cependant nous partageons le DUERP avec les salariés, notamment à leur arrivée dans l’entreprise. Ce document est actualisé tous les ans.”

Avez-vous déjà dû adapter votre rythme ou votre organisation à cause de douleurs ou de blessures ? Quel impact cela peut-il avoir sur la productivité et la qualité du service ?

“Oui, à cause de certains arrêts maladie (dans mon cas ou celui de salariés) pour des douleurs (lumbago, tendinite). Nous avons réussi à réduire ces arrêts grâce à nos initiatives sur l’adaptation des postes de travail.
Ces absences ont évidemment une incidence sur les services car nous devons adapter les postes ou trouver un Extra pour le service. Nous n’avons jamais eu à fermer le restaurant car nous avons une équipe relativement nombreuse. 

Il est également assez compliqué de trouver un poste “moins contraignant”, ou de se ménager. La restauration est un milieu speed et difficilement modulable (par rapport à certaines douleurs).”

Pensez-vous que les employeurs et les salariés sont suffisamment sensibilisés aux risques professionnels dans la restauration ?

“Non, clairement pas. Je le vois lorsque je dis à certains salariés de faire attention car la charge est lourde à porter, on me répond “non non, je peux le faire”. Certes, mais la charge reste lourde. Par exemple, quand l’équipe décharge la marchandise, il y a des caisses d’eau pétillante ou des cartons de vin, le port de charge est lourd et personne n’est infaillible. Cela est également vrai pour les fûts de bière qui sont très lourds, même vides.

Il serait pertinent d’organiser des formations de sensibilisation plus en profondeur sur les risques physiques du métier. Même s’ ils sont conscients de la charge et du potentiel danger, il y a ce besoin d’aller vite dans notre secteur.”

Quel message aimeriez-vous faire passer aux professionnels du secteur pour prévenir les TMS ?

“Je conseillerais aux restaurants qui ont le même environnement que nous (restaurant qui produit de gros volume avec une dizaine de salariés et qui a des besoins en quantité en cuisine – voire avec la même spécialité) d’avoir du matériel adapté, quitte à investir. Je conseillerais aussi de miser sur de potentielles formations de sensibilisation par des professionnels.”

Pouvez-vous partager des exemples concrets de cas de TMS dans le milieu de la restauration que vous avez rencontrés, ainsi que les leçons apprises et les mesures prises pour y remédier ?

“Généralement, quand il y a un arrêt maladie longue durée ou une maladie professionnelle, c’est très compliqué de retrouver un poste adapté en restauration. C’est un milieu speed et les postes de travail sont difficilement flexibles.

 

Nous avons une salariée qui est plongeuse, elle a dû se faire opérer du canal carpien car les douleurs étaient trop fortes. Ce n’était pas durant son contrat chez nous mais elle a toujours travaillé dans la restauration, ce qui lui a causé des TMS. Cette opération a bien fonctionné, mais l’autre main devra probablement être opérée. 

Je pourrais préconiser d’aller chez l’ostéopathe et de former les salariés du secteur HORECA à plus de sensibilisation pour qu’ils deviennent acteurs de leur prévention. 

Pour ma part, je ne pense pas que je serais restée en restauration si j’avais autant de douleurs que maintenant. En tant que gérante avec mon mari, la décision est plus compliquée qu’en tant que salarié. J’ai appris à gérer la douleur et les TMS n’étaient pas vraiment abordés il y 20 ans.”

Conclusion

Tout d’abord, nous souhaitons remercier Valérie pour le temps qu’elle a consacré à répondre à nos questions et à partager son expérience.

Ce témoignage met en lumière les défis physiques et organisationnels auxquels sont confrontés les gérants de restaurant en matière de risques professionnels et de TMS. Son expérience souligne l’importance de la prévention, notamment à travers l’ergonomie des postes de travail, un matériel adapté et l’adoption de bonnes pratiques pour limiter les efforts répétitifs et les mauvaises postures. 

Ce retour d’expérience rappelle également que la gestion des risques professionnels ne concerne pas uniquement les employés, mais aussi les dirigeants, qui doivent veiller à leur propre santé tout en garantissant des conditions de travail sécurisées pour leur équipe. Une prise de conscience et des actions adaptées permettent ainsi de préserver la santé de tous et d’assurer la pérennité de l’activité du restaurant.

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