Fatigue, douleurs, arrêts : les TMS, fléau silencieux du BTP
Les professionnels du bâtiment le savent : les journées sont rudes, les gestes répétitifs, les postures souvent contraignantes. Résultat ? Une explosion des troubles musculo-squelettiques (TMS), première cause de maladies professionnelles dans le BTP. Derrière ce sigle un peu flou se cache une réalité bien tangible : douleurs, arrêts de travail, baisse de performance.
Sur un chantier, chaque geste compte. Mais certains coûtent plus cher que d’autres : les TMS ne se voient pas, mais détruisent des carrières. Dans le secteur du BTP, ces troubles progressent dangereusement. Il est temps d’agir.
Comment les prévenir ? Quels leviers activer sur les chantiers ?
Des chiffres qui en disent long
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) ne sont pas un simple inconfort passager. Ils représentent une véritable urgence sanitaire et économique dans le secteur du bâtiment. Voici un état des lieux chiffré pour mieux mesurer l’ampleur du problème.
> Selon l’Assurance Maladie, c’est plus de 87 % des maladies professionnelles reconnues dans le BTP qui sont liées aux TMS.
> Les TMS touchent 1 ouvrier sur 2 dans le secteur, souvent dès les premières années de carrière.
> Un salarié victime de TMS est absent en moyenne 30 jours par an, selon l’INRS.
> Coût estimé pour l’entreprise : entre 21 000 € et 60 000 € par cas (absentéisme, remplacements, perte de productivité, cotisations AT/MP…).
Le nombre de TMS reste stable et élevé dans le BTP depuis plus de 10 ans, malgré les campagnes de prévention. Certaines professions sont particulièrement touchées :
> Maçons : taux de TMS supérieur à 60 % des maladies professionnelles déclarées.
> Peintres et plaquistes : fort taux de tendinites et douleurs cervicales.
> Carreleurs : à genoux pendant de longues périodes, ils souffrent souvent de pathologies du genou et du dos.

Regardons de plus près le classement des TMS les plus fréquents dans le BTP :
> Lombalgies (douleurs lombaires chroniques ou aiguës) : environ 40 % des cas ;
> Tendinites de l’épaule : liées aux travaux bras levés (peinture, électricité, isolation) ;
> Syndrome du canal carpien : fréquent chez les utilisateurs d’outils vibrants ;
> Épicondylite (coude) : souvent liée à la répétition de mouvements de vissage, serrage ;
> Gonalgie (douleur au genou) : fréquente chez les carreleurs, plombiers et soliers.
Les principaux facteurs de risque sur les chantiers
Sur un chantier, le corps est mis à rude épreuve. Les TMS ne surviennent pas par hasard : ils sont souvent la conséquence de plusieurs facteurs combinés. Identifier ces risques est la première étape pour les prévenir efficacement.
1) Les postures contraignantes et prolongées
Certaines positions deviennent vite problématiques lorsqu’elles sont maintenues trop longtemps :
> Travail les bras au-dessus des épaules (ex. : peintres, électriciens) → surcharge des épaules.
> Travail accroupi ou à genoux (ex. : carreleurs, plombiers) → douleurs aux genoux, hanches et dos.
> Torsion du rachis lombaire (dos courbé ou vrillé en soulevant une charge) → lombalgies chroniques.
Exemple concret : Un plaquiste qui lève des panneaux au plafond répète des gestes en extension et subit une forte sollicitation des épaules et du cou.
2) La répétition des gestes
Les gestes répétitifs, même légers, finissent par causer des microtraumatismes. Les tendons et articulations ne disposent pas d’assez de temps pour récupérer entre deux efforts.
Les zones les plus touchées sont : les épaules, les poignets, les coudes (ex : vissage, clouage, ponçage, découpe).
3) Le port de charges lourdes et les manutentions manuelles*
Le soulevé, le transport ou la pose de charges sans aide mécanique augmente fortement le risque de TMS. Les mauvaises techniques de levage (dos arrondi, jambes tendues) sont très fréquentes.
Un sac de ciment pesant 35 kg : mal porté plusieurs fois par jour, il use la colonne vertébrale du professionnel.
4) Les vibrations mécaniques
Utiliser des outils vibrants (marteau-piqueur, perforateur, meuleuse) est un facteur de risque majeur. Cela affecte principalement les membres supérieurs, provoquant douleurs, engourdissements ou syndromes (canal carpien, troubles neurovasculaires…).
Le temps d’exposition est crucial : plus l’exposition est longue, plus le risque augmente.
5) Les conditions climatiques et environnementales
Le froid, l’humidité ou les courants d’air peuvent accentuer les douleurs articulaires. Travailler sur un sol instable ou en hauteur oblige à adopter des postures de compensation risquées.
Typiquement, en hiver, les muscles sont moins échauffés, ce qui augmente les risques de lésions.
6) L’organisation du travail et le matériel inadapté (voire insuffisant)
Dans ce secteur, on note une forte pression sur les délais, un manque de pauses, du matériels inadaptés, une absence d’alternance des tâches… Un rythme de travail trop intense empêche la récupération, ce qui favorise l’apparition de TMS.
Le manque de rotation des postes et la répétition journalière du même effort sont souvent signalés par les salariés.
De plus, on constate également un manque de matériel – qu’il soit inadapté voire absent : échelles au lieu d’échafaudages, absence de treuils ou d’engins de levage, outils inadaptés… Cela oblige les travailleurs à compenser physiquement, parfois au prix de leur santé.
En résumé :

Les leviers d’action pour prévenir les TMS
La bonne nouvelle, c’est que les TMS ne sont pas une fatalité. Sur les chantiers, de nombreuses solutions existent pour limiter leur apparition et protéger durablement la santé des professionnels. Qu’il s’agisse de formation, d’aménagement des postes ou d’organisation du travail, chaque acteur peut agir à son niveau.
Voici les principales pistes pour passer à l’action, concrètement et efficacement :

Conclusion
Prévenir les TMS sur les chantiers, c’est bien plus qu’une mesure de santé : c’est un investissement durable dans la performance et l’avenir du secteur du BTP. En protégeant les femmes et les hommes du terrain, on agit directement sur plusieurs leviers essentiels : réduction des arrêts de travail, amélioration des conditions de travail, hausse de la productivité et diminution des coûts liés aux accidents et maladies professionnelles.
Mettre en place des actions concrètes — même simples — aujourd’hui, c’est éviter des douleurs, des soins longs et parfois des fins de carrière précoces.
Car prévenir les TMS, c’est offrir à chaque professionnel la possibilité d’exercer son métier plus longtemps, dans de meilleures conditions, avec plus de confort et de reconnaissance. C’est garantir une vie professionnelle plus sereine à celles et ceux qui construisent, chaque jour, les infrastructures de notre société.
PERSONNE DE DEVRAIT CHOISIR ENTRE SON TRAVAIL ET SA SANTÉ !
Sources :
> Assurance Maladie – Risques Professionnels : Chiffres clés du BTP : https://www.ameli.fr/entreprise/sante-travail/votre-secteur/batiment-travaux-publics/chiffres-cles
> Santé publique France – Étude sur les TMS dans le BTP : https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2022/troubles-musculo-squelettiques-dans-le-btp-evolution-des-facteurs-de-risque-chez-les-salaries-entre-2010-et-2017
> Observatoire Santé PRO BTP : https://www.observatoire-sante-probtp.com/accueil.html
> INRS : https://www.inrs.fr/risques/tms-troubles-musculosquelettiques/ce-qu-il-faut-retenir.html
> EU-OSHA : https://osha.europa.eu/fr/themes/musculoskeletal-disorders